" C’est avec une très grande curiosité que j’ai abordé la direction scénique de «Je te veux ». En effet jusqu’alors mon travail s’est orienté en faveur du répertoire contemporain, dans l’écriture de dramaturges vivants français ou étrangers. Dire de l’écriture d’Elyane Antagnague dans sa pièce qu’elle appartient à ce répertoire est injustifié. Non, cette pièce ne traite pas de nos problématiques actuelles : violences familiales, solitudes dépressives, perversions sexuelles, perte du divin, triomphe monétariste, absence d’avenir (...) Non tout au contraire, même si ces thématiques sont bien présentes en profondeur, cette pièce traite d’une chose universelle et intemporelle : la passion amoureuse. La possible union de deux êtres dans ce bref instant que dure la folie amoureuse. Et surtout la mémoire que garderont les deux êtres de cette fièvre toujours intacte dans leur cœur."
Espace Scénique
Le plateau est tour à tour le cabaret «Le Chat Noir» et l’atelier de peintre, deux chambres comme deux solitudes: celles d’Erik Satie et de Suzanne Valadon. Une armoire qui est une cachette / cachot. Un regard vers le courant expressionniste est porté dans les lignes et les déclinaisons chromatiques du décor.
Direction des artistes
Une direction d’acteurs orientée vers la sincérité. Sans aller vers un jeu réaliste, l’attention est portée sur les personnalités des acteurs et les possibles confusions de caractère acteurs/personnages. Autrement dit, aller au plus près des interprètes, afin de leur offrir la possibilité de donner d’ eux mêmes, de leur propre expérience de vie. Faire avec eux des personnages accessibles et proches de nous. Passionnés, orgueilleux, désespérés et fragiles. Des personnages par trop humains. Des personnages dont nous n’avons finalement qu’une idée confuse, même si Suzanne Valadon et Erik Satie sont passés par delà leur célébrité. Inaccessibles.
Magnifier la peinture de Suzanne Valadon et la musique d'Érik Satie
Le geste en direct tant dans l’acte pictural que dans l’acte musical: l’actrice retouche des peintures de Suzanne Valadon sur la toile du chevalet et l’acteur joue des mélodies d’ Erik Satie au piano droit. Instaurer un climat de création tant dans la mise en scène que dans le jeu des acteurs. Chercher l’acte théâtral plutôt que la reproduction de genre, qui n’est ni celui de la comédie, ni celui de la tragédie.
Mettre en corps les ébats amoureux des deux artistes
De part les singularités physiques des deux protagonistes (acteur/personnage) un travail spécifique est mené sur chacun des acteurs. Pour elle la sensualité, la force physique et la rage brutale viennent traverser le corps du personnage de Suzanne Valadon.Pour lui l’inhibition, la déformation physique et la monomanie viennent contraindre le corps d’ Erik Satie. La mise en relation (attirance/répulsion) de ces corps est l’axe fondamental à partir duquel les déplacements des personnages dans l’espace viennent chorégraphier la mise en scène.
Transformer l'espace scénique
Comme dans l’«Arte Povera» faire jouer l’espace de ses propres ressources. Changer de lieux très rapidement de par la mobilité des accessoires (piano sur platine roulante, fauteuil, chevalet ...) afin de permettre aux acteurs de transformer leur espace : chambre/atelier et cabaret/chambre, l’inversion de la vision du décor (retourner l’espace en présentant le piano à la face côté recto), afin de renforcer les ambivalences et les tensions dramatiques et ce, dans les changements d’ états lumineux ou sonores des inter-scènes. Toute ces manipulations se font par les acteurs, comme les peintres cherchent la lumière, ou les compositeurs l’acoustique.